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Le Covid 19 : un risque à ne pas négliger pour l’employeur !
1. Le risque épidémique dans le code du travail
La prise en compte du risque d’épidémie à la charge de l’employeur n’est pas nouvelle en droit du travail.
Suite aux épidémies de grippes (SRAS en 2003, H1N1 en 2009), le législateur a prévu dès 2012 la possibilité du recours au télétravail par l’article 1222-11 du code du travail qui disposait :
« En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Les conditions et les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’Etat ».
Le décret en Conseil d’Etat n’étant jamais paru, il a fallu attendre 2017 pour voir une régularisation juridique aboutissant à la suppression de la dernière phrase par l’article 21 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.
L’article susmentionnée est donc pleinement applicable sans la dernière phrase.
Toutefois, il incombe désormais à l’employeur d’imaginer les modalités d’une mise en place unilatérale du télétravail en l’absence d’accords, ou de chartes ou encore de clauses contractuelles préalablement négociées et acceptées.
Cette tâche n’est pas des plus simples par exemple pour la gestion du refus du salarié ou encore pour la question de l’indemnité de télétravail liée à la sujétion du domicile du salariélorsque le télétravail est exécuté à la demande de l’employeur.
L’employeur dispose théoriquement de la faculté juridique de gérer le risque épidémique dans son entreprise par la mise en œuvre de ce mode d’organisation …à condition toutefois que l’activité le permette.
2. La portée des textes dérogatoires relatifs au Covid 19
Face à l’état d’urgence, le gouvernement a doté la France d’un imposant arsenal de lois,décrets, ordonnances et arrêtés.
L’impact juridique de ces textes restent pour l’heure assez limité et nous n’en retiendrons que quelques-uns.
L’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 qui impose la fermeture de tous « les lieux accueillant du public non indispensable à la vie de la Nation » (cinéma, écoles, bar, restaurants etc) et laisse donc ouvert à contrario toutes les autres entreprises.
Les décret n°2020-260 du 16 mars 2020 et n° 2020-293 du 23 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus COVID-19 permettent les déplacements à titre professionnels pour les « activité ne pouvant pas être différées ».
Soulignons que le texte ne mentionne pas comme on aurait pu s’y attendre les « activités ne permettant pas de télétravailler ».
Dit autrement, le choix du télétravail reste à la discrétion mais aussi à la charge de l’employeur.
Les dispositions de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 en matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique ne révolutionnent pas vraiment la vie des entreprises notamment eu égard à la gestion du risque épidémique dans l’entreprise.
De façon surprenante, ce n’est que le 1er avril 2020 avec l’ordonnance n°2020-386 qu’est prévue la mobilisation « possible » de la médecine du travail pour aider les entreprises.
Pour plus d’information sur la médecine du travail, nous renvoyons le lecteur sur le décret n° 2020-410 du 8 avril 2020 adaptant temporairement les délais de réalisation des visites et examens médicaux par les services de santé au travail à l’urgence sanitaire.
Pour autant, ces textes ne sont pas dénués de tout impact comme l’illustre l’article 2 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 qui précise :
« Afin de ralentir la propagation du virus, les mesures d’hygiène et de distanciation sociale, dites « barrières », définies au niveau national, doivent être observées en tout lieu et en toute circonstance. Les rassemblements, réunions, activités, accueils et déplacements ainsi que l’usage des moyens de transports qui ne sont pas interdits en vertu du présent décret sont organisés en veillant au strict respect de ces mesures ».
Dès lors l’employeur, qui n’a pas été contraint de fermer, ne peut rester inactif face à l’épidémie d’autant qu’il reste soumis à des obligations légales en matière de santé et de sécurité au travail.
3. Les obligations légales de l’employeur avec ou sans Covid,
avec ou sans ordonnances
L’obligation de sécurité est une des obligations majeures en droit du travail.
Sa violation permet en outre de casser des contrats, des règlements intérieurs voire même de suspendre des réorganisations d’entreprise de grande ampleur.
Les textes de référence sont limpides et se suffisent à eux même.
L’article L4121-1 du code du travail dispose :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. On pense ici au télétravail !
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».
L’article L4121-2 du code du travail dispose :
« L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ; (…)
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ».
L’employeur doit donc mettre en place une véritable prévention des risques dont celui d’épidémie.
4. Les mesures juridiques de prévention contre le Covid.
L’employeur a d’abord la charge d’apporter toutes les informations sur le risque épidémique et les mesures de prévention applicables (les gestes barrières par exemple).
Cette information peut être réalisée par tous moyens : mails, courriers, affichages, note de service…
Il doit en suite inclure le risque épidémique dans le document unique d’évaluation des risques en application des articles L.4121-3 et R.4121-1 du code du travail.
A ce titre, l’employeur doit :
Enfin, l’employeur ne doit pas oublier de consulter les institutions représentatives du personnel conformément à l’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel : réunions par visioconférence (jusqu’à présent limitée), l’audioconférence et même la messagerie instantanée.
5. Les risques encourus par l’employeur…
en plus d’être frappé par l’épidémie
Il importe peu que le risque ait un caractère « commun » voire « universel » puisque ce seront ses effets « par le fait ou à l’occasion de l’activité professionnelle » qui seront de nature à engager la responsabilité de l’employeur.
Toute contamination en temps et lieu de travail est susceptible d’être reconnue maladie professionnelle (exemple avec une hépatite B : Cour de cassation, Chambre sociale, 22 Juillet 1993 – n° 91-14 223, on aurait pu également la reconnaissance professionnelle du suicide d’un salarié à son domicile, des conséquences du stress…).
Une fois reconnu le caractère professionnel de la pathologie, la question de la faute inexcusable de l’employeur peut d’autant plus se poser que les juges considèrent que le manquement à l’obligation de sécurité a le caractère de faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (cf. la prévention susmentionnée) (Cass. ass. plén., 24 juin 2005, n° 03-30.038).
On doute que l’employeur puisse invoquer une absence de conscience du danger, seule la date de celle-ci pouvant éventuellement être discutée.
Il est indifférent que la faute commise par l’employeur ait été la cause déterminante du dommage, il suffit qu’elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée (Cass soc., 29 juin 2005, n° 03-44.412 Cass. soc., 4 avr. 2012, n° 11-10.570).
Le Covid 19 passe, les droits et obligations demeurent.
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